Chambre des Desmond à l'Auberge de la Plume Tombante

Une chambre louée long terme, depuis un peu plus d'un an et demi à vrai dire, par Linhardt et sa fille. Elle doit être actuellement encombrée de pas mal de choses, mais Jinxie fait un minimum d'efforts de rangement quotidien.

Après les évenements tragiques de la tempête, et la perte de Daubény son mentor et Major adoré, Jinxie pensait qu'ils allaient retourner à Valyria. Mais son père en décida autrement pour leur sécurité et surtout, leur tranquilité.

Ils étaient parti en vacances pendant quelques semaines avec Jeanne, Iphygénie et Pollyanna, profitant de la plage, du soleil, des bars et de la farniente à Scotaro au milieu des hommes-insecte. Ils en avaient profité pour se soigner tranquillement de leurs blessures, mentales comme physique, puis Jeanne était repartie de son côté dans les bras de Lebeurk suite à des au-revoirs surement déchirants. Jinxie et son père eux, direction Angelus.

Une fois arrivés à Casanctia, ils s'étaient trouvé une auberge pour s'installer, et Jinxie après avoir décoré son coin de chambre de plusieurs dessins semblant représenter un certain major au casque ailé, et une jeune fille aux cheveux bleus, et quelques doggos gris et noirs. Son fidèle Poiscaille était rangé sous son oreiller quand il n'était pas planqué dans les fringues de la jeune gachette folle, et le reste de ses affaires entassées sous son lit. On pouvait y trouver une vieille perruque malodorante, quelques explosifs mouillés depuis longtemps inutilisables, un bric à brac de bois et de métal en pièces, des fioles vides, et sa peluche en forme de requin.

Jinxie passait comme toujours très peu de temps dans sa chambre, la majorité de ses journées elle trainait dans la campagne environnant la ville. Elle avait du mal à se baigner dans l'eau d'ici parce qu'on se pelait les couilles, et ne le faisait que lorsque l'envie devenait trop pressante de faire glisser ses écailles sur les vagues.

Le reste du temps ou elle n'était pas à se balader, elle s'entrainait au flingue dans les bois, et le reste du temps, elle s'entrainait à frapper les arbres et poursuivait ce que lui avait appris Daubény, et le reste du temps, elle taillait du bois au couteau, des branches, pour tenter de créer des petits objets, qu'elle esperait faire de plus en plus complexe. Jusqu'à maintenant, ca ne ressemblait pas à grand chose, mais elle était depuis un peu plus d'un mois dans un projet ultra-top-secret- sa mère pour le prochain anniversaire de son pere, un truc en bois donc, qui commencait à lui prendre pas mal de temps.

Bref, d'aucuns pourraient dire que c'est devenu une glandeuse, mais la vérité était que si elle ne faisait pas d'études et ne travaillait pas, elle entretenait son corps et son energie de facon optimale. Elle ne buvait presque plus d'alcool, mangeait beaucoup, se dépensait encore plus et globalement, voulait essayer de remplacer Daubény. Maintenant qu'il était plus là, son daron allait manquer de force brute, et elle remplirait ce role à merveille, en plus d'être une fille absolument a-do-rable, et douée de ses dix doigts à faire des trucs de fou qui allaient la rendre riche plus tard. Si elle se devait d'être parfaite, ca serait pas à moitié.

Peut-être était-ce le matin, ou le soir ? A Jinxie de déterminer si la jeune sirène venait de se lever ou si elle rentrait après avoir passé une journée de folie (ou pas). Dans tous les cas, elle pourra trouver sous sa porte, une lettre avec un sceau en cire sur lequel était inscrit la lettre "I". Cette lettre lui était adressé et si elle était assez curieuse, elle pouvait voir que l'expéditrice était une sirène qu'elle connaissait bien, peut-être même un peu trop bien.

Il était effectivement le soir, et Jinxie venait effectivement de se réveiller, après avoir passé toute la nuit a bosser sur son projet top-secret (qu'elle pouvait pas faire en journée sous les yeux de Linhardt évidemment).

Elle sort de la chambre habillée en pull et pantalon confortable, direction la forêt, mais d'abord, le casse dalle.

Son père étant en vadrouille, elle arrive jusqu'à la porte et marche sur un truc. Sourcils froncés, elle dégage ses cheveux de ses yeux et se penche pour ramasser la lettre.

"I".

- Iphy ?

Sans attendre, elle déchire l'enveloppe et deballe le dossier.

L'odeur de la lettre n'a rien de spécial. À moins que, peut-être que si ?

La texture, en tout cas, elle, est de qualité. Lorsqu'elle ouvrira la lettre, elle pourra sentir au travers de ses doigts une certaine finition, et un papier qui, par ailleurs, n'a été que plié une seule fois mais de manière non précise, comme si cela avait été fait sous la panique. Elle pourra d’ailleurs repérer quelques marques de goûtes ayant tremper le papier en question. Peut-être que l’expéditrice a renversé quelques goûtes de son précieux alcool dessus, à moins que ?

Trêve de bavardage.

Une fois déplié, Jinxie pourra repérer une écriture tremblotante mais une écriture qu’elle pouvait quand même reconnaître. Voici ce qu'elle contient.

Bonjour Jinxie,

J’espère que toi et ton père allaient bien et que vous profitez de vos belles journées.

Je suis désolée de te déranger mais… Je suis perdue, je ne sais pas quoi faire. Je ne me sens pas bien, vraiment pas bien. Je tremble, j’ai peur, j’ai envie de vomir. Je tente de rester forte mais je ne sais pas combien de temps je vais réussir. Je ne suis pas aussi forte que toi.

Je suis actuellement à Palir, en compagnie de Sapin et de… Lebak.
Je ne sais pas comment expliquer. J’ai toujours du mal à le réaliser. J’ai juste l’impression d’être dans un cauchemar.

Il n’est pas celui qu’il a voulu nous faire croire. Il m’a révélé s’être approché de moi au départ dans l’objectif de me tuer mais qu’il a changé d’avis en apprenant à me connaître, en comprenant que j’étais le seul à lui offrir du bonheur dans ce qu’il considère comme sa misérable vie.

J’ai voulu fuir au loin avec Sapin, mais au moment de sortir, il m’a évoqué le fait de savoir comment « il allait noyer sa future tristesse de m’avoir perdu ». Une phrase voulant à la fois tout dire et ne rien dire. Va t-il s’en prendre à d’autres jeunes filles innocentes ? Va t-il mettre fin à ses jours ? Va t-il tenter de s’en prendre à vous ? Je n’en ai aucune idée.

J’ai pris alors la décision de rester à ses côtés, pour m’assurer qu’il ne puisse faire de mal à personne, que se soit une âme innocente ou lui-même.

J’ai encore fait la bêtise de penser aux autres avant de penser à moi-même. Je ne sais pas ce qui va arriver.

Il m’a raconté qu’il m’aimait, qu’il ne voulait pas me perdre. Je ne sais pas si je dois le croire, je ne sais pas s’il me fera du mal, s’il s’en prendra à Sapin. Je n’ose pas le quitter des yeux de peur de t'entendre des crieurs de rue hurlaient le meurtre de jeunes filles innocentes.

Je suis perdu, horriblement perdue. Dois-je attendre qu’il dorme pour l’étouffer dans son sommeil ? Dois-je réagir ? Personne ne me croira au prêt de la garde, c’est un médecin aimait dans la ville. Dois-je devenir une meurtrière pour empêcher le meurtre d’innocent ? Peut-être est-il honnête et il a vraiment changé mais comment pourrais-je rester en contacte avec un homme qui ne me voyait que comme une victime au départ ?

Je ne sais pas ce que je dois te demander, j’ai envie de te savoir prêt de moi pour avoir une figure rassurante mais je ne veux pas qu’il t’arrive quelque chose.

Je ne veux pas que tu t’en prennes à lui aussi, il m’a avoué qu’il se laisserait tuer si tu t’approchais de lui. Je ne veux pas que tu deviennes une meurtrière à sa place.

Je… Je ferais en sorte de t’envoyer une lettre tous les mois pour que tu puisses t’assurer que je sois toujours en vie, dans chacune de ses lettres, j’évoquerai une recette de cuisine à base de poisson pour que tu sois sûre que je sois bien celle qui l’a écrite.

Je… J’ai besoin d’aide, je ne sais pas quoi faire.

Jeanne Daark

C'était donc Jeanne ! Mais pourquoi elle à signé d'un I cette débile elle sait plus écrire son prénom ? Contente d'avoir de nouveau des nouvelles, et décue que y'ait pas de gateaux avec cette fois, elle referme la porte et fait demi-tour, commencant la lecture debout.

Jinxie parcourt la lettre des yeux, de plus en plus écarquillés au fil des lignes, commencant à marcher en rond dans la pièce de plus en plus rapidement. Mais qu'est-ce que c'est que ces histoires ?

"Je n’ose pas le quitter des yeux de peur de voir dans les journaux le meurtre de jeunes filles innocentes."

"Je… J’ai besoin d’aide, je ne sais pas quoi faire."

- Ben Voyons ! C'est pas comme si j't'avais prévenu andouille. Grrrr... Quelle conne mais quelle conne ! Qu'est-ce que chui conne !

Elle vient frapper le pied du lit de rage, avant de sautiller sur place de douleur avec un gémissement etouffé, et reprendre ensuite la lettre du début et se met à parler toute seule.

- Bordel mais vas t'en ! T'es vraiment la pire ! Utilise tes deux neurones et fait les fonctionner ensemble pour une fois ! Tu veux pas qu'j'le bute, tu veux pas qu'je vienne, qu'ess tu veux que j'fasse avec c'merdier moi ?

Elle refait les cent pas dans la pièce en relisant encore et encore la lettre, se disant de plus en plus qu'elle aurait du crever Lebak à l'auberge, ou à Ancora. A Ancora il se serait mélé aux dommages collatéraux et ca aurait été parfait. Mais là, ce que vivait Jeanne, elle pouvait pas s'empêcher de se dire qu'elle l'avait déjà prévenu mille fois. Elle l'avait vu, dans ce regard de psychopathe, qu'il aimait pas Jeanne mais était malsain et dégoutant, et dangereux. Elle l'a vu dans ses yeux.

Et Jeanne elle mérite complètement ce qui lui arrive maintenant. Si Jinxie était pas autant morte d'inquiétude à l'idée de plus jamais la revoir sans avoir rien pu faire pour la sauver, elle serait en train de rire, à gorge déployée, de la tournure des évenements actuellement.

Désemparée parce que Palir c'est à l'autre bout du monde, presque littéralement, elle continue encore et encore de faire les cent pas en lisant et relisant la lettre à voix haute, essayant de réfléchir avec son cerveau elle aussi.

- Bordel bordel bordel bordel bordel bordel....

Tandis que Jinxie continue de lire la lettre à voix haute et de faire les cents pas, on sera venu toquer à la porte, parce qu'il semblerait qu'on entendant ce qui se tramait à l'intérieur.

- Jinxie ? Il se passe quelque chose ? Est-ce que les vacances sont déjà finies ?

Elle sursaute d'un grand bond en entendant frapper avant de lâcher un juron.

Traversant la pièce en trombe, elle ouvre la porte en ayant reconnu la voix et lui met la lettre devant les yeux, paniquée.

- Sa débilité va la buter !

Alors qu'il se saisit de la lettre, Linhardt la lit de travers et en vitesse, grimaçant quand il lit tout cela.

- Palir ...

Et après un autre instant de réflexion, l'ancien corbeau aura hoché la tête.

- Je ne peux guère t'aider ou partir, j'ai décidé de m'isoler et c'est bien ce que je vais faire. Cela dit, je peux encore t'aider en tant que consultant. Selon moi, tu dois te rendre là-bas et l'aider. Quittes à contacter les autorités locales. Sinon, Sergeï, le frère d'Iphigénie, doit encore se trouver là-bas, avec quelques mots, tu devrais pouvoir le convaincre d'au moins agir.

- Quoi "Pâlir" ?

Demande d'abord Jinxie en remarquant la grimace, avant de reprendre la lettre et ecouter la réponse de son père qui aurait sûrement beaucoup de moins de mal qu'elle a trouver une idée de génie.

Idée qui arrive, et lui plaît pas du tout. Après avoir enregistré que Linhardt allait pas venir, le reste du plan se perds un peu dans sa tête même si elle l'a entendu.

- T'isoler ? Ça fait un an et demi qu'on s'planque ici ! J'tai suivie jusqu'à Ancora sans hésiter !

Elle baisse les yeux sur la feuille l'air complètement déprimée, avant de froncer les sourcils et lever une vive paume de main désignant le corps de son père.

- Peu importe comment on l'aide faut qu'on l'fasse ensemble ! T'as toujours peur des "force au d'la de notre comprehension" ? L'autre Solveig ?

Elle secoue la tête et croise les bras d'un air de défi.

- Si j'y vais seule, ça s'ra selon MES termes et j'la sauverai comme JE pense que c'est l'meilleur. C'est vraiment c'que tu veux ?

- Souhaites-tu donc que je périsse, Jinxie ? Parce que c'est de cela qu'on parle, lorsqu'on parle de force au dessus de notre compréhension. Si par le hasard voulait que je croisais cette femme, elle sera capable de changer un morceau de papier en arme. Et n'importe qui pourrait mettre fin à mes jours.
C'est ça que tu veux ? Que je t'accompagne pour mourir planté à Palir ?

L'air véritablement sérieux. Linhardt ajoutera :

- Et je ne veux pas attendre de "on s'en fiche". Je ne m'en fiche pas. Je veux être là pour toi, mais je veux être encore là quand tu reviendras. Et je veux que tu reviennes. Alors, non, je ne veux pas aller à Palir, et non, je ne veux pas que tu fasses les choses comme tu l'entends. Je ne veux pas que ce Lebak meurt, pas de ta main, pas de la mienne, mais par celle de la justice de Galdria. Ce qu'il a dit, là, c'est déjà bien assez grave non ? Il n'y a qu'à envoyer ça aux gardes de la ville de Palir et ils s'en chargeront. Je te l'assure. Et si tu n'as pas confiance en eux, il y a Sergeï, mais si on suit ton plan, on arrivera en retard.

C'était rare que son père lui parle comme ça a elle, aussi sérieusement. Elle comprends qu'il en a pas rien a faire en tout cas et qu'il la prends au sérieux, et qu'il veut vraiment pas venir, il le dit pas en l'air.

Dégoûtée, elle se dégage du passage et lui fait signe d'entrer en laissant la porte ouverte avant de se laisser tomber assise sur le sol et se prendre la tête dans les mains le temps qu'il finisse. Ça lui permet aussi de se calmer et se contrôler un peu pour réfléchir et pas juste envoyer le mobilier de la chambre valser. Ça, c'était l'avantage d'avoir passé autant de temps loin de l'action, et proche de quelqu'un d'aussi calme que Linhardt.

On réfléchit un peu plus avant de frapper dans les murs.

A la fin du monologue explicatif de son père, elle lève ses yeux vers lui et balaie son premier argument d'un geste de la main.

- T'es inssuportable. T'sais très bien que j'veux pas que tu meurs. Au moins t'as la présence d'esprit d'savoir que l'inverse est pas prêt d'arriver.

Bah oui. Linhardt avait peur de mourir la bas, mais visiblement avait enfin fini par comprendre que Jinxie pouvait faire n'importe quoi et toujours s'en tirer. Le fait qu'il ait cette confiance indéfectible en elle lui remonte légèrement le moral. Toujours par terre, elle lui dit en désignant le plafond, l'air insistant.

- Tu sais, tu pourra pas vivre toute ta vie avec ça au dessus d'la tête. J'comprends qu'tai pas eu envie de tenter ta chance avec l'épée ou la flûte parce que pour l'instant ta vie d'ermite te dérange pas, mais t'as que trente balais, papa. T'es pas censé aimer la liberté ?

Elle relis la feuille et ne voit que "Lebak" écrit partout en gros sous ses yeux. Peu importe que son père l'aide ou non en fait, elle aurait voulu qu'il vienne mais on va devoir faire sans.

- Lebak va payer, il va payer ce qu'il a fait a Jeanne. Mais c'est hors de question que je mette mon cul en jeu quand j'avais déjà prévenu Jeanne des centaines de fois. Elle aussi elle va payer un peu, parce que y'en a marre qu'elle soit aveugle et apprenne jamais rien. J'vais faire ce que tu dis, j'vais contacter Sergei, et aller là bas, et p'tetre les gardes, mais j'vais pas ramasser Jeanne a la cuillère. Elle va morfler mentalement elle aussi.

Déjà, elle va pas répondre à sa lettre. Et ensuite, elle fera l'opération incognito sur place.

- Lorsqu'elle aura souffert tout de même, viens lui en aide. Même si elle t'a trahi, même si tu décides qu'elle ne te mérite plus, ou pas. Elle aura quand même besoin d'aide. À un moment où un autre. Alors, ne lui tourne pas entièrement le dos. D'accord ?

En tout cas, Linhardt espérait que Jinxie saurait faire les bons choix.

- Dans tout les cas, je te souhaite bonne chance pour cet envol de tes propres ailes.

Il ignorait complètement son problème a lui en esquivant la question. Jinxie prends une grande inspiration et tente par tous les moyens de ne pas se mettre en colère.

- On verra. Pour Jeanne. Elle m'a pas trahi elle est juste aveugle. Et c'est rigolo qu'tu dise ça alors qu'on est au pays des piafs.

Elle s'allonge complètement au sol et regarde le plafond, se demandant si Lebak avait déjà tué Jeanne avant même qu'elle reçoive la lettre. Si elle arrive jusqu'à la bas et qu'elle tombe sur le cadavre de sa Jeanne, Pâlir ne sera plus qu'une traînée de cendres lors de son départ.

- J'aimerai trouver un moyen d'en finir avec Solveig. J'crois que y'en a un mais tu voudra jamais.

Après une pause, alors qu'il entre dans la pièce finalement et pour de bon, Linhardt se pose sur le lit.

- Je ne pense pas que je souhaite me débarasser de Solveig. Elle m'a techniquement sauvé la vie. Alors cela ne serait que justice que j'applique enfin la dette qu'elle m'avait demandé de payer. Et, je pense, je suppose que lorsque les gens m'auront oublié, je pourrais revenir. Peut-être avec une identité totalement différente ? Qui sait ? Mais pour l'instant, je dois rester encore un moment sous silence. Pas seulement parce que j'ai peur, mais parce que je l'ai promis. Et, tu sais que ce genre de chose sont sacrées, n'est-ce pas ?

Jinxie se relève lentement de sa position allongée pour se rapprocher des jambes de son père et s'asseoir en tailleur face à lui en l'écoutant, l'obligeant a lever les yeux pour le regarder. Après un silence, elle fronce un sourcil et hausse l'autre.

- C'est vrai que sans elle tu serai encore en taule. Et sans Marthe, j'y serai aussi d'ailleurs.

Elle soupire et enlace ses genoux, ses yeux tombant sur ce qu'elle avait caché sous le lit.

- T'as raison. C'est pas parce que les gens sont pourri que tu dois être pourri aussi. Mais a regarder les merdes comme Lebak, ou les ingrats comme Elijah, j'sais pas comment tu fais. Pendant que je serai loin, tu vas rester ici ? Comment j'te rejoins quand j'ai fini ?

Tout en parlant elle glisse une main sous le lit a la recherche de quelque chose.

Alors que Jinxie est occupée à chercher quelque chose sous le lit, Linhardt sera venu poser une main sur sa tête, tout en soupirant tout le manque de connaissance qu'il avait.

- Tout n'est que catharsis et catalyseur. Il s'agit de rediriger l'énergie de la colère vers quelque chose d'autre. Je fais ça pour ma réflexion, toi, tu as l'habitude de casser des meubles. Et même si c'est une mauvaise habitude, elle te calmait, non ? Et idéalement, tu ne me rejoindrais pas de suite, j'aimerais que tu ailles à Soltaris avant pour moi. Si tu le veux bien. J'aimerais que tu ramènes, ou au moins que tu prennes contact, avec ma fille biologique. Est-ce que, tu t'en sentirais capable, toi et Sergeï bien sûr. Jeanne aussi, si elle vous suit.

Si Jinxie avait tenté de réfléchir à ces mots qu'elle connaissait absolument pas, puis a leur signification ensuite, sur le fait que son père arrivait à se calmer juste en réfléchissant, toute ses pensées sont ensuite bloquées. Elle ecarquille grand les yeux et se lève d'un bond, lâchant ce qu'elle avait récupéré sous le lit sur le sol en un "clac" au son de bois, et son visage se fend d'un large sourire incrédule, toute tendue de partout à la nouvelle.

- TA FILLE ?

Elle grimace, regarde la porte par réflexe suite à son cri et répète fébrile en chuchotant presque le visage réjoui.

- Ta fille ? Elle est vivante ? Mais pète sa mère ! Elle est jolie ? Elle est intelligente aussi ? Elle est comment ?! C'est quoi son nom ? Tu l'as déjà vu ??

- Ma fille oui.

Aura répondu Linhardt positivement, en riant, légèrement gênée par la réaction de Jinxie et de toutes ses questions.

- Normalement, elle se nomme Madelyn. Mais, je ne l'ai jamais vu. En fait je ... Je ne savais pas qu'elle existait. Il y a longtemps, ma belle-famille m'a séparé de celle que j'aime au moment où elle devait faire naître mon enfant. Anselm, c'était le nom de l'humain qui était venu au monde. Et qui, à cause de mon sang, avait hérité de mes traits d'humains. Il a été tué pour ça, sans même pouvoir vivre l'espace d'un instant. Je suis, à ce moment là, entré dans une colère, que, le jeune moi ne savait pas encore contrôlé. Quand je me suis calmé, il n'y avait que des morts autour de moi, et, en fait, je n'ai même pas su que j'avais une fille à ce moment là. Azelma, mon ... amour, ne me l'a appris que récemment, après que ... Que nous nous soyons revus, dans des circonstances relativement calmes, peu de temps avant la tempête.

Yavait un autre membre de la famille en vie ! Mais c'était trop cool ! Avec toute ces nouvelles merdiques c'était vraiment super bienvenu. Son daron avait l'air hyper content, mais est ce qu'il se rendait compte que ça lui faisait une soeur en plus a elle ?

- J'ai déjà hâte d'la rencontrer !

Dit elle sincèrement avant d'écouter la suite, voyant le rire de son père s'éteindre pour raconter ensuite de bien plus mauvais doss sur son passé. Il lui avait déjà dit les grandes lignes mais jamais les détails comme ça. Elle vient se rasseoir lentement a côté de lui sur le lit et croise les jambes en tailleur.

- T'as revu la fille qui t'avais trahi ? Tu l'aime toujours ?

Jinxie se demandait si, comme Linhardt peut être, elle allait aussi avoir qu'"une seule" Jeanne. Dans toute sa vie. Ou au moins jusqu'à ses trente deux ans. Et elle sait pas si elle trouve ça vraiment chouette ou non.

- T'sais, si ça peut te rassurer, j'pense que c'que t'as vécu c'est pas arrivé à grand monde. Alors rien pouvait te préparer a ça quand c'est arrivé, pour ton gamin. Ya pas de manuel ou d'instructions. Si t'as réagi comme ça, c'est passque a l'instant T t'as perdu les pédales. Et si remontais dans l'passé avec exact'ment l'meme contexte et exactement l'meme passé qu'tavais a l'époque, la même histoire, bah tu referai exact'ment la même chose le jour du massacre.

Elle conclut, très fière d'avoir appris ça seule tout au long de sa vie et pouvoir le transmettre à quelqu'un, cette astuce pour être heureux.

- Faut jamais, jamais, jamais rien r'gretter. Faut juste s'améliorer tout l'temps. Et ça, t'y arrive vachement bien papa.

- Il y a beaucoup de fille qui m'ont trahi. Mais si tu parles d'Azelma, alors oui, et oui.

Aura-t-il d'abord répondu, avant de hocher la tête aux mots de Jinxie.

- J'ai perdu le contrôle de mes moyens ce jour là. Ou, j'ai pêté un plomb comme tu dirais. L'important c'est que cela n'arrive plus. Ou moins. À toi aussi. Par ailleurs, peut-être que je devrais justement écrire une sorte de manuel ?

- Et tu m'la présentera aussi ?

Demanda Jinxie a la suite, se demandant comment il était possible de se faire trahir autant de fois et de rester quand même toujours aussi incroyablement naïf. Et conciliant. Peut être juste conciliant et pas vraiment naïf ?

- T'aurai peur que moi j'te trahisse ?

Elle demande ensuite, s'accoudant sur ses genoux, avant de baisser les yeux et apercevoir du coin de l'oeil ce qu'elle avait fait tomber plus tôt, se lever d'un bond et mettre un coup de pied dedans en faisant glisser la chose sur le parquet jusqu'à sa place d'origine, sous le lit.

- Hahaha !

Elle rit nerveusement comme si de rien n'était et enchaine pour répondre au doss du manuel.

- Un manuel pour rester calme quand on est en colère. Y'aurai qu'deux lignes ! Serre les poings, réfléchis.

Elle sourit en coin en le regardant, le coeur battant trop vite de se faire griller avant l'heure.

- Cela pourrait sûrement se faire. Et, non, je n'ai pas peur que tu me trahisses, mais, je prend en compte que cela pourrait arriver. Un jour ou l'autre.

Fronçant les sourcils ensuite devant le comportement de Jinxie. Linhardt aura décidé d'hausser les épaules avant de défendre son point de vue.

- Il existe d'autres moyens d'être maître de soit tu sais ?

- Tout pareil pour toi.

Elle lui fait un clin d'oeil, soulagée qu'il ait rien remarqué, avant de se rasseoir tranquillement et s'appuyer sur ses mains a l'arrière.

- Comme quoi ?

Il y avait certainement un certain nombre de chance pour que Linhardt ait remarqué, mais ait décidé d'être aveugle, enfin, en théorie, le fait est qu'il n'aura rien remarqué ni fait remarqué.

- L'entraînement. Si tu t'entraînes à rester concentrée face aux épreuves quelconques, tu auras déjà une base pour faire front à ce qui arrivera dans les moments de tension. Jamais vraiment prête, mais tu sauras quel chemin suivre si cela arrive.

Elle réfléchit un instant - autant qu'une Jinxie peut réfléchir -, ses yeux se font un peu lointain et baisser les yeux puis les relever en cherchant le regard de son père.

- J'peux combiner c'tentrainement avec celui d'Daubeny ? Passque y'a aussi question d'concentration, mais pas vraiment d'rester calme. Et puis comment j'm'entraine a m'concentrer face au danger, quand chui pas en situation réelle ? Qu'est-ce que j'fais exactement ?

Même si son coeur se serre, a la mention de Daubeny, elle a l'air de boire les paroles de son père présentement. N'importe quoi qui pouvait la rendre meilleure était bon a prendre, en tout cas si c'est pas d'la merde. Et son père était encore vivant donc ça devait au moins fonctionner un minimum.

- Je ne sais pas exactement de quoi il en retourne, mais, oui, je suppose que tu peux en effet.

Linhardt aura levé les yeux devant le regard de Jinxie, plus pour réfléchir qu'autre chose, mais il aura fini par le rabaisser, pour ajouter quelques mots, l'air tout à fait sérieux.

- Quand tu t'entraînes à tirer, tu le fais sur une cible, pas sur une vraie personne. Quand tu entraînes ton corps pour les activités physiques, tu ne le fais pas spécialement au milieu de la nature, mais dans un lieu encadré, eh bien, c'est là pareil. Imagines-toi ces situations désespérer, et réfléchi. Prévois ce qui peut se passer, et dans une grande majorité des cas, c'est ce qui va se passer, surtout si tu englobes fort. Si tu te prépares à affronter tes ennemis, tu seras déjà plus calme, non ?

Jinxie écoute attentivement, se disant que c'était pas si facile que ça de prévoir ce que les gens allaient faire en avance. Elle y avait jamais réfléchi avant, elle fonce dans le tas et ce sont les autres qui adaptent a elle, pas elle qui adapte aux autres. Elle mène la danse !

- Mh...

Elle laisse un nouveau silence pensif avant de se relever finalement, et commencer à ranger ses affaires.

- J'vais faire l'test pour la mission d'sauvetage de Jeanne et la récup de ma soeur. Pendant l'trajet j'vais essayer d'penser a toute les situations possible qui peuvent arriver en pire et en meilleur. Et quand j'serai sur place, j'serai parée a tout ! Et si ça foire et qu'c'est plus proche du pire qu'du meilleur, j'utiliserai les leçons d'Daubény !

Elle s'active un peu plus à ranger, remplissant un gros sac a dos.

- Merci p'pa. A bientôt et écoute tante Polly, oublie pas d'manger et sortir prendre l'soleil.

Des qu'elle aura fini de tout ranger, sauf si son père a quelque chose à ajouter, elle se dirigera vers la porte avec son sac.

- Pour être honnête, peut-être ne devrais-tu pas trop réfléchir, je ne voudrais pas que tu attrapes des maux de tête. Ah et ...

Alors qu'il observe Jinxie faire ses affaires et partir comme une flèche, Linhardt ajoutera un simple et dernier, mais pourtant difficile :

- Je tiens à toi, alors ne fait rien que je ne ferais pas. D'accord ?

Elle rabat son sac sur l'épaule, tient la porte dans sa main et se retourne avec un sourire et un clin d'oeil rassurant.

- Ça veut dire que j'peux continuer à rire, au moins. Je t'aime p'pa. Tschuss !

Avec un signe des doigts en "V" , elle n'est plus la.